Des composés phosphorés à fort potentiel biochimique dans les grains de l’astéroïde Ryugu
Les petits corps du Système solaire sont les vestiges d’une histoire mouvementée remontant à plus de 4,5 milliards d’années. Déterminer la composition de ces objets permet de contraindre les modèles de formation et d’évolution du Système solaire, et de mieux cerner leurs apports chimiques éventuels à la Terre primitive. Le retour d’échantillons de l’astéroïde Ryugu par la mission Hayabusa2 de la JAXA offre pour la première fois la possibilité d’analyser en laboratoire une matière extraterrestre « primordiale » riche en matière carbonée et intacte, en ce sens où elle n’a subi aucune altération terrestre (1). Les travaux que nous rapportons ici ont conduit à la découverte de composés phosphorés très particuliers à potentiel biochimique majeur.
Ces composés ont été identifiés et caractérisés grâce à une collaboration internationale qui a mené des mesures couplées : d’abord dans l’enceinte de conservation des échantillons à l’ISAS (Japon) avec l’instrument MicrOmega développé par l’IAS (France), puis dans des centres de recherche au Japon, en France (Synchrotron SOLEIL et IAS) et au Royaume-Uni, sur des grains extraits de la collection. Ces analyses ont permis d’identifier une catégorie de composés hydratés riches en ammonium, magnésium et phosphore (‘’HAMP’’) présents sous forme de grains et d’inclusions dont la taille peut aller jusqu’à plusieurs centaines de microns.
La découverte des HAMP appuie l’idée que le matériau composant Ryugu a dû s’accréter et en partie évoluer dans le Système solaire externe, loin de sa région actuelle. Surtout, une particularité essentielle de ces composés est qu’ils ont pu favoriser la libération puis la réaction d’espèces riches en phosphore et en azote lors de leur immersion dans les réservoirs d’eau terrestres primitifs. Ils auraient ainsi pu jouer un rôle essentiel dans l’évolution vers le vivant sur Terre.
(1) Les matériaux extraterrestres collectés sur Terre (météorites, micro-météorites et poussières interplanétaires) ont tous subi un certain degré d’altération ou de modification causé par leur interaction avec le milieu terrestre lors de leur entrée atmosphérique ou après, durant leur séjour plus ou moins long à la surface.
Lien vers la publication en ligne : https://www.nature.com/articles/s41550-024-02366-w
Lien vers le communiqué de presse Université Paris-Saclay/CNRS/CNES : https://www.cnrs.fr/fr/presse/lanalyse-dechantillons-de-lasteroide-ryugu-livre-de-nouvelles-perspectives-sur-levolution
Contacts (Institut d’Astrophysique Spatiale/Université Paris-Saclay/CNRS) :