Les amas de galaxies laissent perplexes les cosmologistes
Pour réconcilier le modèle standard de la cosmologie avec la quantité d'amas de galaxies observés en rayon X, une équipe de chercheurs français a montré que les masses des amas devraient être 70% supérieures aux estimations actuelles. Ces résultats confortent les résultats de Planck obtenus en 2013 en observant les amas dans les micro-ondes. Néanmoins, le sujet continue d’intriguer les cosmologistes pour qui une telle différence de masse est difficile à expliquer. Notre compréhension de la physique des amas doit-elle est révisée ou le modèle standard cosmologique est-il incomplet ?
Les amas de galaxies, les plus grandes structures qui se soient effondrées sur elles-mêmes sous l’action de la gravité, peuvent être observés notamment avec l’imagerie et la spectroscopie en rayons X qui révèlent la présence et les propriétés d’un gaz chaud à une température de plusieurs dizaines de millions de degrés. On peut détecter également les amas dans le domaine millimétrique et submillimétrique, en mesurant l’empreinte que ce gaz laisse dans le rayonnement du fond diffus cosmologique : c'est l’effet Sunyaev-Zeldovich (« effet SZ »).
L’observation et l’analyse par le satellite Planck du fond diffus cosmologique ont fortement consolidé les fondements du modèle cosmologique standard. En connaissant celui-ci, l'abondance d’amas de galaxies peut alors être prédite et comparée aux observations, et ainsi contraindre des modèles d'Univers. Or le satellite Planck a aussi observé l’abondance des amas grâce à leur empreinte par effet SZ dans le fond diffus cosmologique. La comparaison menée par des chercheurs de l’IAS et présentée en 2013 [1] montrait que, compte tenu des estimations de masses obtenues par le passé, basées sur l’application de l’équation de l’équilibre hydrostatique du gaz au sein des amas, la quantité d'amas observés est 3 à 4 fois plus faible qu'attendu ! Pour réconcilier ces abondances avec le modèle standard, les masses des amas devraient être nettement supérieures, d’environ 70%, aux estimations antérieures basées sur les observations en rayons X. De nombreux cosmologistes ne sont pas prêts à franchir ce pas, ce qui impliquerait que le modèle cosmologique standard doit être révisé par exemple en invoquant l’existence de neutrinos massifs.
Une équipe française a abordé cette question avec une nouvelle approche [2]. Dans un premier temps, elle a repris les données qui permettent de déterminer l’abondance des amas (locaux/proches) détectés par leur émission en rayon X. Puis elle a évalué les masses que ces amas devraient avoir pour être en accord avec le modèle standard « ΛCDM » tel qu'il nous apparaît à travers les fluctuations du fond cosmologique mesurées par Planck. Leurs résultats montrent alors un très bon accord avec les conclusions mentionnées précédemment : les masses des amas doivent être supérieures aux estimations antérieures d'environ 70%. Il y a donc une grande cohérence entre les conclusions tirées des observations en rayons X et celles obtenues en micro-ondes à partir de l’échantillon « SZ » de Planck.
La question de la masse réelle des amas reste donc un sujet débattu au sein des spécialistes : les masses d’amas obtenues par différentes méthodes d’observation directe sont-elles vraiment sous-estimées ou ces mesures sont-elles l’indice d’une « nouvelle physique » ? Le fait de disposer de mesures de masse d'amas précises et fiables apparaît donc plus que jamais comme un enjeu crucial pour la cosmologie. Ce sujet devrait connaître des progrès décisifs dans les années à venir grâce à la mise en service d'instruments dédiés à la réalisation de grands relevés de galaxies. Parmi eux on compte notamment le satellite Euclid, qui permettra, entre autre, une mesure précise et fiable des masses des amas par effet de lentille gravitationnelle.
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En ordonnées: masses des amas de galaxies nécessaires pour que l’abondance d’amas de galaxie soit compatible avec le modèle cosmologique standard (ΛCDM), en fonction des masses estimées par équilibre hydrostatique à partir des observations en X (en abscisse). La ligne rouge marque l’ajustement des masses et montre que les masses du modèle standard sont 70% supérieures aux masses déduites des observations directes en rayons X.
Références:
[1] : Planck collaboration, « Planck results 2013 : XX », A&A 571, A20, 2014
[2] : S. Ilic, A. Blanchard, M. Douspis, X-ray galaxy clusters abundance and mass-temperature scaling, Astronomy and Astrophysics, 582,A79, doi:10.1051/0004-6361/201526793.
Ce travail a bénéficié du soutien du LABEX OCEVU, financé par l'ANR, dans le cadre du programme « Investissements d'Avenir ».
News CNRS/INSU : http://www.insu.cnrs.fr/node/5489